Canon EOS C700 : opération séduction
La semaine dernière Canon parlait photo en dévoilant le très attendu 5D Mark IV (dont on parle ici). Cette semaine, c’est donc au tour du cinéma d’avoir Noël en avance, puisque le constructeur dévoile la EOS C700, une réinvention complète du haut de la gamme EOS Cinema.
Depuis le lancement de la C300, il n’est plus à prouver que Canon a un gros potentiel à exploiter dans le cinéma. Les caméras offrent naturellement une image chatoyante aux lumières assez chaleureuses. Pour cela elles ne cessent de surprendre et de séduire bon nombre de directeurs photo. Ce fut notamment le cas de Sofian El Fani, qui a signé avec la C300 la merveilleuse photographie de La Vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche.
Mais Canon souffre encore à Hollywood de son statut d’outsider. Face aux ténors que sont ARRI, R3D et, dans une certaine mesure, Panasonic et ses Varicam, Canon a bien du mal à s’intégrer dans la famille du haut de gamme cinématographique. Malgré un lancement en fanfare, porté par un Martin Scorcese enthousiaste, la gamme cinéma EOS souffre encore de l’affection du milieu indépendant dont elle a hérité après le succès surprise du 5D Mark IV. En effet, si Canon fabriquait déjà des caméras et des optiques avant 2008, le 5D Mark II l’aura poussée un peu par hasard dans le milieu de la création vidéo et cinéma. Et cela effraie les grandes productions qui préfèrent mettre le prix dans une science cinématographique reconnues et recherchées plutôt que dans des caméras au design atypique. De fait donc, la gamme cinéma EOS a d’abord séduit le milieu cinématographique indépendant.
Avec la C700, Canon essaie d’avancer un pion conséquent dans son envie de pénétrer le milieu cinématographique. Même le form-factor peut paraître très austère, je dois reconnaître que les C100 et C300 n’étaient pas une partie de plaisir pour un travail à l’épaule. En changeant entièrement le design, la C700 s’apparente à une caméra d’épaule classique comme on peut en trouver chez ARRI avec l’Amira ou chez Panasonic avec la Varicam. On retrouve d’ailleurs ce petit panneau gameboy détachable qui permet de contrôler la caméra à distance et séduira tous les assistants. Le retour de l’oeilleton, du porte micro, la batterie V-Lock, le grip de zoom électronique, achèvent de donner à cette caméra un délicieux look vintage et rétro qui devrait vous permettre de frimer en hipster sur tous les plateaux de Ciné (non je déconne).
https://www.youtube.com/watch?v=6nhrG48Y86Y
La C700 sous le capot
Côté performances, la caméra est dotée d’un capteur CMOS 4,5K décliné en deux versions : obturation classique ou global shutter. Sur une obturation classique, Canon annonce une dynamique de 15 stops, combiné au Canon Log2 et Canon Log3. La caméra supporte les montures EF et les montures PL, il sera à priori possible de passer de l’un à l’autre sans savoir précisément si cela pourra être fait à la maison ou dans un centre Canon (petit indice, je mise sur la seconde). La caméra enregistre du 4K DCI en interne, directement sur carte CFast 2.0, en Canon XF-AVC 10bit à 810Mbps. Agréable surprise, la caméra embarque l’Apple ProRes 422HQ 10 bit en 4K et du 4444 12 bit en 2K/HD. À noter que la Canon C700 peut s’accompagner de son petit enregistreur CODEX (décidément ils sont partout), qui permettra d’enregistrer un signal 4K RAW jusqu’à 120ips.
En soi, la Canon C700 a tout d’une grande, sauf l’audace. Elle ressemble beaucoup à une C300 Mark II légèrement améliorée pour tenir dans un form factor plus classique. Bien sûr l’arrivée du ProRes et d’un enregistreur Codex est une main tendue vers la production vidéographique haut de gamme, mais cela suffira-t-il à séduire le marché ? J’en doute. Pour cela, il lui manque encore quelques atouts technologiques. Un capteur capable de supporter des optiques anamorphiques aurait été bienvenu, et pourquoi pas des supports colorimétriques avancés. La C700 ne s’apparente pas réellement à une caméra de plateau, mais bel et bien à une caméra de terrain, ce qui n’est pas forcément la principale demande d’un milieu cinématographique haut de gamme, qui continuera sûrement à préférer le RAW des R3D ou le look de l’ARRI.
Canon est un exceptionnel fabriquant d’optiques et de capteurs. Le CanonLog est un régal à manipuler, les peaux y sont divinement dorées (Pas comme la peau du poulet au four hein? on s’est compris.). Les optiques de la gamme cinéma possèdent un velouté très intéressant et assez inédit qui, couplées aux caméras Canon, permettent une image débarrassée de distorsion et d’aberrations chromatiques. Aujourd’hui il est possible d’affirmer qu’il existe un « look Canon », comme il existe un look ARRI, un look Leica, un look Cooke (qui en plus est rigolo à dire). Canon aurait tout intérêt à capitaliser là dessus si elle souhaite intégrer le panthéon des caméras cinématographiques. La société a des années de recherches optiques et colorimétriques ; elle a toute les cartes en main pour proposer enfin aux chef-opérateurs et directeurs photo des outils avancés qui les feront tomber amoureux de ces images.
La C700, c’est quand même 34 000€ H.T. à poil. Soit un petit peu moins que l’ARRI AMIRA. Il est temps de remplir le cochon tirelire.
Pour résumer :
- Design d’épaule, similaire à l’ARRI Amira ou la Varicam
- C’est pas très beau mais c’est pratique pour le terrain
- Capteur CMOS 4,5K / Global Shutter en option
- Monture EF et PL
- 4K sur CFast 2.0 / XF-AVC / Apple ProRes
- 4K RAW 120 fps via enregistreur Codex
- la C700 chez Canon c’est aussi une imprimante mais faut pas confondre : l’imprimante ne filme pas en 4K.