Hydrogen de RED : au delà du smartphone
En terme de secret, RED veut imiter Apple. Une stratégie qui permet de faire monter la sauce autour du projet RED Hydrogen. Mais le teasing ne fait pas tout. Jim Jannard, le fondateur de RED ferait mieux de se le rappeler. Pour rappel, il y a une semaine, il postait ce message cryptique :
« July 6th. 9am PST. Right here. You need to be online. You need to tell everyone you know to be online. Have your credit card ready. »
Jim Jannard, CEO of RED Digital
Le teasing outrancier n’augure jamais rien de bon
Bien que l’idée de faire chauffer ma carte bleue soit réjouissante, j’ai toujours quelques scrupules à faire décéder mon banquier d’une crise cardiaque. Alors quand on me demande de la tenir prête je reste toujours assez méfiant. Alors j’ai scruté. Et la toile a scruté. Pendant une semaine. Ce que serait cette révolution, « qui n’est pas une caméra » et qui vaille la peine de condamner un pauvre banquier qui a rien demandé sinon un peu d’amour, d’eau fraîche, et un solde positif.
Des spéculations il y en a eu. C’est allé d’une caméra 360° à de supers soldes, en passant par un logiciel d’étalonnage, ou un abonnement locatif de caméra (true story bro). Mais très vite, des petits malins ont déniché des brevets faisant état d’un smartphone modulaire capable de technologies 3D.
Des spéculations il y en a eu. C’est allé d’une caméra 360° à de supers soldes, en passant par un logiciel d’étalonnage, ou un abonnement locatif de caméra (true story bro). Mais très vite, des petits malins ont déniché des brevets faisant état d’un smartphone modulaire capable de technologies 3D.
Le RED Hydrogen, un smartphone de rêve
Soit. Ce fut donc ça. On lui a donné le nom de l’Hydrogen, parce que ça sonne mendeleievement cool. Mais des informations on en possède que très peu. Taille d’écran 5,7 pouces. Aluminium ou Titane. Doté d’un chargeur USB-C et d’une prise jack (!). Slot Micro-SD. Bref sur le papier le smartphone ne se distingue pas d’un autre.
Quand bien même RED précise que l’Hydrogen sera modulaire, l’idée n’est pas nouvelle. Motorola a inauguré le principe sans grand succès. Et la réflexion est au coeur de nombreux projets centrés autour du développement durable ; comme le projet mort-né Ara de Google, ou le Fair Phone.
L’Hydrogen reste pourtant le téléphone rêvé par beaucoup de professionnels du secteur. Avoir un téléphone robuste, ajusté à ses besoins, permettant de créer et stocker une image vidéo de qualité professionnelle. Avouez, il n’y a pas que moi que ça fait rêver. Or s’il y avait bien un constructeur capable de se lancer dans l’aventure, c’est bien RED. Car pour concurrencer les Mammouths du secteurs que sont Apple et Samsung, mieux vaut-il que le smartphone soit irréprochable… et doté de technologies innovantes et solides.
Hydrogène et hologrammes
C’est bien pour cela que l’Hydrogen sera le premier smartphone professionnel à capacité holographique. Comprenez par là qu’il lui sera possible de créer et diffuser du contenu holographique, 2D, 3D, en réalité virtuelle ou augmentée. Le tout sans ajout d’équipement tiers – comme ces horribles lunettes qui rendent les baisers au cinéma beaucoup moins sexys.
D’un coup, d’un seul, l’Hydrogen ringardise les Google VR et les autres casques de réalité virtuelle pourtant en plein essor. De fait, Red a bien compris qu’en l’état 3D et VR était trop invasives pour s’installer durablement en tant que technologie quotidienne. Bon nombres d’analystes les trouvent d’ailleurs trop contraignants pour dépasser le stade du gadget.
Après le R3D ; le H4V et le H30
Pour cela, RED a développé deux nouvelles technologies. Le H4V, premier format vidéo holographique. Et le H30, un algorithme de restitution multicanale à partir d’une source audio stéréo. L’idée est simple : profiter de contenus multi-dimensionnels à partir de sources bi-dimensionnelles. La problématique est liée intrinsèquement aux contenus mobiles, désormais première source de notre consommation d’images. De ces petits écrans qui ont envahis notre quotidien on en retire souvent une expérience dégradée. L’image et le son s’en retrouvent ultra-compressés, tant d’un point de vue qualitatif que spatial. Le H4V et le H30 sont deux technologies destinées à améliorer notre expérience mobile.
Leur application dépasserait bien sûr in fine le cadre du téléphone. Il est facile d’imaginer bientôt des projecteurs holographiques qui remplaceront des téléviseurs qui s’intègrent de moins en moins dans nos intérieurs épurés (Mujikea style!). Mais pour éprouver ces technologies que sont le H4V et le H30, quoi de mieux que l’objet phare de notre quotidien, le smartphone ?
Avec un stratégie bien axée
La création de ce smartphone longtemps réclamé n’est ni plus ni moins qu’une manière d’installer ces codecs d’une manière efficace. Le marché des caméras 360° et VR est déjà pris d’assaut. En sortant une autre caméra, Red ne serait vu que comme quelqu’un qui suit la tendance, là où il est habitué à être à la pointe de l’innovation.
Avant le H4V et le H30, le R3D Redcode s’est installé comme véritable figure de référence du RAW en vidéo. À tel point qu’il a souvent été imité, jamais égalé. C’est avec cette même stratégie que RED compte attaquer le marché 3D/VR aujourd’hui. Le H4V doit à terme s’installer comme format de référence dans le traitement des contenus holographiques 3D/VR. Pour cela, Red est prêt à le mettre à l’épreuve avec la création de Red Channel ; première chaîne de diffusion de contenus holographiques… et donc H4V / H30.
Hydrogen ne semble donc qu’un prétexte pour installer plusieurs des technologies qui devraient se retrouver au coeur de ses innovations à venir. Les caméras RED devraient rapidement sauter le pas de la VR. Mais pour se faire, elles avaient besoin d’un codec robuste, en accord avec un nouveau mode de consommation d’images. La VR et l’Hologramme sont des technologies du quotidien qui s’adaptent mal aux salles de cinéma auxquelles RED est plus habituée.
Le RED Hydrogen est-il juste un goodie ?
Au delà de ça, RED jouit d’une notoriété à l’épreuve des balles, fort de sa base d’utilisateurs désormais solide. Dans un marché ultra-concurrentiel, elle ne souffre d’aucune comparaison. RED est aussi beaucoup moins sensible aux fluctuations et tendances incessantes du marché car elle est ultra-spécialisée sur le secteur. Beaucoup moins ballotée que le sont les plus diversifiées SONY, Panasonic ou Canon, RED peut s’autoriser de temps en temps de sortir des sentiers battus pour contenter ses utilisateurs. C’est ce qu’elle vient de faire.
L’Hydrogen est en quelque sorte le premier « produit dérivé » de RED. Conscient du pouvoir attractif que peut avoir un super smartphone sur des vidéastes avancés, RED a décidé de franchir le pas. Elle contente ainsi ses utilisateurs qui peuvent transformer leur Hydrogen en moniteur et télécommande ; mais attire aussi à elle de potentiels nouveaux utilisateurs qui n’ont jamais sauté le pas de la « qualité RED » et de son fort pouvoir modulaire. Elle « professionnalise » aussi la 3D/VR jusqu’ici souffrant avouons-le d’un côté gadget intimement lié aux smartphones.
Une modularité à éclaircir
L’Hydrogen est donc loin d’être un OVNI sans réflexion préalable. Au contraire même, passé l’écran de fumée qui entoure son annonce, il s’avère dans le principe être un projet véritablement enthousiasmant. Mais beaucoup de points demeurent encore dans l’ombre. Ils pourraient s’avérer critique dans le succès de l’Hydrogen.
S’il sera sans doute possible de transformer son smartphone en caméra numérique ; à quel prix et avec quelle facilité d’utilisation ? À l’heure où l’on espère une véritable compacité, RED devra rivaliser d’ingéniosité afin que l’Hydrogen ne se transforme pas systématiquement en énorme monstre de Frankenstein dès que l’on souhaite convoquer une de ses fonctions. Je m’imagine personnellement mal me trimballer en permanence un sac à dos remplis de modules divers.
Combien de modules seront de la partie ? Avec quelles capacités spécifiques ? Les possibilités semblent infinies, mais RED ne donne aucune feuille de route. Astucieux (ça laisse la porte ouverte à tout), mais aussi peu rassurant quand on voit le prix de l’appareil. Si celui-ci, nu ne possède pas de valeur ajoutée face à un smartphone classique, le prix est difficilement justifiable.
Autonomie : l’épreuve de la réalité
Une autre inconnue concerne l’autonomie de l’appareil. Avec de telles technologies, l’Hydrogen consommera sans doute bien plus que de raison. Avec un simple chargeur USB-C, l’Hydrogen fera-t-il partie de ces téléphones à charger toutes les 4 heures ? Ce serait totalement inadapté. Beaucoup de flou entourent aussi d’autres capacités mobiles, notamment le processeur, le nombre de cartes SIM, sa réception et compatibilité 4G autour du monde. Et plus important : pourra-t-on jouer à Pokemon Go avec ?
Avec un unique visuel cryptique (qui explique les difficultés d’illustration de cet article) et un communiqué de presse sous forme de PDF, l’annonce de l’Hydrogen ressemble ici plus à une poursuite de teasing qu’à une annonce en bonne et due forme. Jim Jannard devrait s’en souvenir s’il ne veut pas voir la levée de boucliers déjà enclenchée se transformer en mur des lamentations. Et tuer dans l’oeuf le projet Hydrogen.
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