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Blackmagic : la culture de la farce et du dindon

Avertissement : Compte tenu du contenu polémique de ce billet d’humeur, je tiens à préciser, si besoin-est, que celui-ci reflète une vision toute personnelle pour laquelle je ne touche aucun revenu et qui ne fait vecteur de propagande d’aucun complot corporatiste et reptilien.

Au NAB de Las Vegas, en 2012, une société du nom de Blackmagic Design, bien connue pour ses équipements de traitement du signal et son logiciel d’étalonnage renommé, annonce la production d’une Cinema Camera, 2,5K, qui filme en RAW, sur SSD, le tout pour moins de 3000$. Depuis la société a su se faire une place de choix sur le marché des caméras avec pas moins de 6 familles de boîtiers au catalogue, dont chacune possède, en fonction de la résolution max ou de la monture, différentes déclinaisons. Cette success story a de quoi laisser rêveur des constructeurs en mal de succès, et agacer ceux qui doivent revoir leurs tarifs à la baisse afin de pouvoir faire jouer la concurrence.

C’est un fait désormais avéré : la stratégie de vente très agressive du constructeur australien a inexorablement changé le marché des caméras. Le trio Résolution/Codec/Prix s’est vu totalement remis en question. Une chose que bon nombres de vidéastes, toujours plus contraints par des budgets serrés réclamaient depuis des années. Mais avec le recul, et avec un peu de bon sens, on s’aperçoit vite que la « philanthropie » que revendique Blackmagic cache un cynisme et un mépris prononcés pour les vidéastes.

Au départ, il était facile d’excuser les retards ou malconceptions de la Cinema caméra. Celle-ci est livrée quasiment un an après sa date de livraison initiale. Problème : Blackmagic a depuis annoncé une Production Camera UHD pour quelques centaines d’euros en plus, agaçant ceux qui attendent toujours leur modèle 2,5K alors qu’ils craqueraient bien pour la 4K.  Mais Blackmagic, fort de la caution sérieuse que lui apportait DaVinci Resolve, logiciel de référence en étalonnage pouvait miser sur la compréhension de ses clients. Après tout, se lancer sur le marché des caméras n’est pas une chose aisée, et l’enthousiasme démesuré suscité par cette caméra que certains se plaisent alors à qualifier de « mini-Alexa » aura eu vite fait de déborder un constructeur victime de son succès fulgurant.

Mais, l’histoire se répète depuis. Inlassablement, Blackmagic semble ne pas être capable d’apprendre de ses erreurs, pire de ne pas s’en soucier. De nouvelles malfonctions viennent même se rajouter à la liste de ceux présentés par la Cinema Camera. C’est ainsi que tout un marché découvre en 2014 le « Sun Spot » : ce trou noir présent dans des luminosités excessives, majoritairement le soleil. Autre exemple : la Production Camera, alors fleuron de la gamme possède un capteur dont l’étrange particularité est de chauffer tellement que sa structure apparaît à l’image finale (visible en laissant tourner la caméra 45min à noir). À tel point que l’URSA, nouvelle référence suivante de la marque, initialement équipé du capteur de la Production Camera se voit dotée d’un nouveau capteur pour satisfaire les exigences de ses utilisateurs. Las, la caméra est un flop, notamment à cause de son poids d’âne mort. Enfin L’URSA Mini 4,6K, la réponse maison de Blackmagic à la FS7 de SONY, est attendue depuis Octobre dernier. Et par la voix de son CEO Grant Petty, celle-ci vient de perdre une de ses fonctionnalités majeures : le Global Shutter. Trop compliqué à mettre en accord avec la dynamique d’image de 15 stops annoncée.

Blackmagic La Culture de la Farce et du dindon - banner

Il n’y a donc à ce jour à ma connaissance pas de cameras Blackmagic qui n’accusèrent pas de retards de livraisons ou de défaut matériels assez conséquents. Tout ceci est à mon sens assez révélateur des positions cyniques de Blackmagic. Le constructeur se targue de faire baisser les prix, mais vous vend derrière des caméras qui ne sont pas conçues. Au final vous payez pour une caméra dont les promesses ne sont pas tenues. Excuser des retards de production est une chose que je conçois finalement assez facilement (à la condition qu’ils ne se répètent pas trop). En revanche, je ne crois pas que ce soit à l’usager de trinquer pour le manque de discernement d’une société. Les clients ne sont pas des investisseurs. Si la frontière entre ces deux nuances a tendance à être plus flexible avec l’explosion des financements participatifs, ce n’est pas le modèle économique assumé par Blackmagic. Les clients achètent le produit qu’on leur a vendu, ils n’investissent pas dans le développement d’un produit à venir, avec les risques inhérents que ça implique.

Planquée derrière des revendeurs pris en otage, Blackmagic pousse jusqu’à justifier ces aberrations par le prix des caméras. Un exercice de dédouanement visant à faire de vous le fautif. Culpabiliser en mettant en cause votre prétendue naïveté est une figure de communication bien issue de notre XXIe siècle où schématiquement on reproche aux fauchés d’être fauchés.

Cette attitude a un double effet pervers. Elle permet à Blackmagic de s’enrichir en jouant cyniquement sur l’asphyxie budgétaire des productions. Mais elle tire aussi un marché vers le bas, car elle invite les autres constructeurs à suivre une cadence de conception et production démentielle. La précision des produits sur le marché en est depuis quelques mois factuellement diminuée. Les caméras sont de plus en plus bâclées et bradées alors que les usagers sont de plus en plus éduqués à la technique. On se retrouve notamment avec une C300 Mark II chez Canon qui présente à son tour des Sun Spots, ou des boîtiers en surchauffe et du macroblocking excessif chez Sony.

Les mises à jour Firmware sont agitées comme des solutions miracles par les constructeurs, Blackmagic en tête. Mais il s’agit d’une manière détournée d’assumer le rôle imposé de bêta-testeurs aux premiers usagers. Cette tendance est héritée sans doute de nos modèles économiques software et de leurs mises à jours bimensuelles. Vendre des caméras, (ou des enregistreurs numériques – suivez mon regard), sur des promesses ne m’intéresse plus et n’est pour moi pas un gage de sérieux.

Alors que dans quelques jours le NAB va s’ouvrir à Las Vegas, il y a fort à parier que Blackmagic a encore un fabuleux lapin à sortir de son chapeau. Reste à savoir si nous continuons d’accepter d’être les dindons de ses cyniques farces.

Pour ma part, mon choix est tout fait.

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